Plus d'une mère sur deux
raconte quotidiennement
une histoire à son enfant
de moins de trois ans *
pourquoi pas celle-ci ?
il était une fois
le jeune chevalier de La Barre
il avait 9 ans à la mort de sa mère
il avait 16 ans à la mort de son père
et fut confié aux soins de sa tante
la douce abbesse d'Abbeville
on lui arracha la langue !
il prit un jour sa défense
pour l'aider à repousser les avances
d'un vieux magistrat de la ville
et se fit ainsi
un mortel ennemi
on lui coupa une main !
lorsque l'occasion se présenta
sous la forme d'une mutilation impie
d'un crucifix de bois sur pont d'Abbeville
le bras de la vengeance froidement
lui ravit ses vingt ans
on le décapita !
il n'aura pas eu le temps
de finir avec ses amis de bonnes familles
le tour des cent vingt-cinq tavernes de la ville
où ils apprenaient à boire et à chanter
auparavant on le tortura pour qu'il avoue ...
enquête, accusations, témoins soudoyés
juste alibi réfuté, rumeurs colportées
mensongères et amplifiées
sans aucun lien avec le crucifix outragé
le coupable désigné
ce fut le jeune chevalier
combien de fois il n'avait pas ôté son chapeau !
foules miraculées délirées
derrière le jeune évêque d'Amiens
venu officier du haut de ses 22 printemps
et remettre la populace derrière lui à sa place
combien de chansons impies il avait chantées !
un ouvrage interdit fut "trouvé"
dans sa chambre perquisitionnée
le Dictionnaire philsophique
de Voltaire enfui en Suisse
et ils furent condamnés
à mourir enchaînés
le jeune chevalier et l'écrit incriminé
combien il avait eu de complices !
le procès fut long
comme la "question"
juste 20 ans avant la Révolution
ce n'était ni le lieu ni le moment
de craquer l'allumette
en riant des sacrements
il fut brûlé à petit feu !
De La Barre peut aujourd'hui être fier
d'avoir inauguré le triptyque moderne
du procés
qui devient une affaire
qui devient une cause
sur la place de la ville où il avait
"fait sa jeunesse" !
mais il lui fallut mourir, et de mort lente
pour ses "amusements de jeunes gens"
telle fut la volonté
des hommes de ressentiment
j'ai vu sur le trottoir de la rue Azaïs
une dame installée juste en face de la statue
du malheureux chevalier
elle aussi
était aurifiée
Photos: square Nadar et rue Azaïs, Paris 18, avril 2010.
*Délégation interministérielle à la Famille et Ministère de la Culture, juin 2009.
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